#ITW: Léo Lalanne : “ne s’attendre à rien, être surpris de tout”


Jeune artiste français, Léo Lalanne est un amoureux des mots, un amoureux de l’art. Se servant de l’image et de la poésie pour panser ses blessures, il propose avec “Amort” premier extrait d’un EP du même nom à paraître prochainement, un voyage sans pudeur aux confins des arts. Souhaitant travailler sur l’image et le mot, l’artiste se questionne et déconstruit. Empreint d’introspection, son projet a néanmoins une saveur sociétale. Pour mieux le comprendre et saisir ses nuances, The Melting POP a décidé de l’interroger. Rencontre avec un artiste sincère et touchant.

Léo Lalanne : l'art de la réflexion
Léo Lalanne : l'art de la réflexion 

Bonjour Léo, tu arrives sur le devant de la scène avec ton premier single “Amort”. Avant d’en parler, peux-tu nous dire qui tu es et nous éclairer sur ton parcours ? 

Je viens tout juste de rentrer en France. Avant ça, j’étais à Londres où je suis resté plusieurs années. C’est là-bas que j’ai commencé l’écriture, la poésie, puis la poésie parlée. Ensuite, j’ai écrit une série de dix poèmes. Chacun d’entre eux devait faire l’objet d’un court-métrage pour une série appelée “Spells Of Deconstruction”. Deux épisodes sont sortis “Nuit” et “High”, puis la série s’est clôturée. C’était un travail très fastidieux mais il m’a permis de mettre en lien le mot et l’image. À mon retour en France, j’ai eu très envie d’associer la poésie et la musique. J’ai donc commencé l’écriture d’un EP dont le premier titre “Amort” est sorti il y a quelques semaines. Dans l’EP, chaque titre est construit, déconstruit de manière musicale différente autour d’un univers visuel et d’une performance. La performance passe ici par le corps, le mouvement. C’est un langage des signes sourd autour de ce que sont la performance et le poème. 



“Amort” est donc le premier titre de l’EP, sais-tu déjà ce qui viendra après ?


Les morceaux vont sortir de manière assez dispersée. Le prochain arrivera plus tardivement mais il s’intitulera “Caïds”. Je suis actuellement en train le travailler. C’est un titre qui évoque l’adolescence, la différence. Pour moi, les caïds sont les premiers hommes qui m’ont porté attention. Ils m’ont effrayé, bousculé, frappé, mais toute la perversité de cette relation tient dans le fait que ce sont aussi les premiers hommes qui m’ont émoustillé. Dans “Caïds”, j’évoque le côté malsain d’une personne qui te bat mais qui dans un même temps te fait prendre connaissance de celui que tu es vraiment. Il y a une balance entre la douleur et le désir dans ce nouveau morceau. Comme pour “Amort” il s’agit d’une déconstruction de la douleur et des questionnements.

En préparant l’interview, je me suis demandé si ton travail était autobiographique, tu viens de répondre à ma question. Cependant, tu viens de rentrer en France et tu n’es probablement pas passé à côté de la vague homophobe qui frappe le pays. C’est une volonté de ta part de traiter un tel sujet à ce moment précis ?

Je n’ai pas réfléchi de cette manière-là. Je suis parti à Londres quand j’avais 18 ans car la France était devenue un acouphène pour moi. De mon enfance dans un village de Vendée en passant par la cité dans laquelle j’ai passé quelques années à Nantes, j’ai souvent été confronté à cette violence quotidienne qu’est l’homophobie. C’est évidemment quelque chose de difficile, mais c’est aussi salvateur car la douleur permet souvent de pousser les choses à leur maximum, c’est d’autant plus le cas dans une démarche artistique. 

Tu te sers de la poésie pour exprimer des sujets difficiles. Peux-tu nous expliquer le paradoxe entre la douceur de la poésie et la brutalité de tes textes ? 

Ce paradoxe est quelque chose qui est venu de manière naturelle. Il est d’autant plus fort d’écouter une poésie quand celle-ci ne se cache derrière aucune paraphrase. L’aspect brut de la poésie c’est quelque chose que j’ai retrouvé chez Jean Cocteau ou chez Allen Ginsberg. Visuellement, j’aime aussi le travail d’une photographe telle que Nan Goldin. Quand je lis un poème, je l’imagine, quand je regarde une photo, je l’entends me parler. À travers mon travail, j’aimerais, ne serait-ce qu’un petit peu, apporter cette confrontation entre le mot et l’image.

Tu parles de performance pour qualifier ton travail. C’est un art déroutant et souvent mal compris, on l’a notamment vu avec Chris Burden ou encore Marina Abramovic, quels sont les performeurs qui t’ont inspiré dans ton travail ?

Le travail de Marina m’a beaucoup nourri, mais en matière de performance visuelle, je n’ai pas d’influence particulière si ce n’est Nan Goldin. Elle retranscrit à travers ses photos, de manière figée, les douleurs de sa génération et celle de la communauté LGBT. Sinon, j’aime beaucoup le travail d’Anne Teresa de Keersmaeker, c’est une chorégraphe qui a réussi à marier le mot à la douleur au travers son vécu et de son art. C’est ce genre d’actes artistiques qui ont scindé mon EP. Ma conception de l’art, c’est de ne s’attendre à rien et d’être surpris de tout.

L’art et culture c’étaient des choses innées pour toi ou est-ce la douleur de ton parcours qui t’a poussé à te diriger sur cette route ?


J’ai grandi avec ma mère, devant la télé sans m’ouvrir aux autres. La culture est arrivée très tard dans ma vie. C’est en arrivant à Londres que je me suis senti vivant. Là-bas, je me suis battu jour et nuit pour me faire une place. J’ai d’abord commencé par interroger des artistes émergents tels que Christine & The Queens ou des jeunes créateurs. C’est le genre de rencontre qui pousse à se développer à aller voir plus loin. Mes premiers écrits étaient imparfaits mais grâce à eux des gens ont commencé à me faire confiance et les rencontres ont fait le reste. 



J’imagine que c’était une libération de t’affranchir de ta pudeur et de tes douleurs, comment as-tu vécu ce basculement ?

J’ai d’abord eu très peur. Quand “Amort” est sorti j’appréhendais de livrer mon histoire, de dévoiler un projet qui puisse être dérangeant, parfois gênant. Pour mes proches, c’est assez difficile de voir que mon histoire est devenue publique mais les retours positifs autour du projet m'incitent à penser que j’ai pris la bonne direction. Je suis heureux de voir que ce projet plaît ne serait-ce qu’un petit peu. C’est la meilleure des voies pour guérir et avancer. 



Pour en découvrir davantage sur le travail de Léo, rendez-vous sur son site internet. leolalanne.com 

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