#Critique : Woodkid, chaos sentimental et génie artistique sur « S16 »

Lâchez tout, Woodkid est de retour et il a en sa possession la lourde tâche d’offrir un successeur digne de son nom à son excellent premier album « Golden Age ». Délivrée ce 16 octobre 2020, cette mission de haut-vol s’intitule « S16 », et elle est pour son initiateur/créateur, un véritable pari. En effet, après avoir préalablement déclaré qu’il mettait un terme au projet « Woodkid » sous sa forme initiale, Yoann Lemoine est revenu sur ses mots et c’est aujourd’hui au travers de 11 pistes qu’il renouvelle l’expérience. Décollage immédiat ou atterrissage forcé, The Melting POP s’est payé un voyage à bord de l’OVNI « S16 » et voici la critique.

Woodkid - S16


« If you think that the world is dark you should listening to « S16 ».

Peur de (se) décevoir, de tourner en rond ou peut-être un peu des deux, Yoann Lemoine avait déclaré à la fin de l’exploitation de son album « Golden Age » qu’il ne donnerait pas suite au projet Woodkid. Souhaitant focaliser son énergie sur d’autres projets artistiques, tels que le cinéma, la réalisation ou encore la composition, l’artiste avait grandement laissé sous-entendre que son univers cuivré et torturé ne reviendrait jamais. Pourtant, après avoir travaillé sur la bande-originale du film « Desierto » ou après avoir composé pour Nicolas Ghesquière, c’est non sans surprise que l’artiste a annoncé son retour pour une tournée mondiale qui accompagnerait la sortie d’un nouvel album. Questionné sur ce come-back innatendu, Woodkid a déclaré qu’il s’était peut-être par le passé un peu trop pris au sérieux et qu’il ressentait l’envie de se prouver de nouvelles choses. Ainsi, après le succès de « Golden Age » en 2013 (plus de 800.000 ventes à travers le monde), l’artiste de 37 ans se relance à la conquête de son public. Fruit de 5 années de travail, au cours desquels plus de 100 titres ont vu le jour, « S16 » n’est pas décrit par Woodkid comme étant le second chapitre de « Golden Age ». Oeuvre à part entière, ce nouvel album conserve l’identité singulière de son créateur mais se différencie du passé grâce à une évolution tant au niveau vocal qu’au niveau des thèmes abordés. En effet, même si les sentiments tourmentés continuent de faire le coeur du projet, « S16 » se démarque de par la profondeur avec laquelle, l’interprète de « Run Boy Run » tend à se confier. Évoquant son manque de confiance en lui, ses erreurs, ou encore la santé mentale et sa vision du monde, Yoann Lemoine lève le voile sur l’humain derrière le personnage. Plus que jamais mis à nu, Woodkid étoffe son strip-tease artistique d’une pluie de sonorités qui créent malgré une volonté dystopique assumée, un ensemble puissant et harmonieux. De fait, là où « Golden Age » nous guidait à un rythme effréné au coeur de l’espace infini tout en pointant du doigt la douleur qu’engendre les sentiments amoureux, « S16 », nous ouvre les portes d’un futur sombre, saturnien et pourtant imparable. Une nouvelle fois, on ressent à travers les textes du chanteur tout le passif d’une vie sentimentale chaotique, mais en douceur et comme un aimant, il attire l’auditeur dans un monde paradoxal qui malgré sa noirceur reste accueillant et rassurant. Pris de bout en bout, « S16 » pourrait être comparé de par cette dichotomie créative à l’une des très nombreuses séries d’anthologies du créateur américain Ryan Murphy. Sombres, inquiétantes, parfois malsaines mais toujours très humaines et pleine d’espoir, ses oeuvres sériels sont en quelque sorte, ce qui ressemble le plus à l’atmosphère mis en place par Woodkid avec sa musique. Cuivrées, électroniques, froides et lourdes, les pistes de ce nouvel opus s’accompagnent d’une voix plus posée, plus profonde et parfois même plus aiguë que sur « Golden Age ». S’accompagnant également d’enfants qui font les choeurs sur les pistes « Reactor » ou encore « Minus Sixty One », Woodkid contraste sa création d’une lumière et d’une chaleur qui semblent en totale contradiction avec la volonté centrale de l’opus. Faisant écho à un monde bipolaire qui peut donner vie au pire comme au meilleur, cette rupture colorimétrique prouve une nouvelle fois le génie d’un artiste qui conçoit son album comme une pièce unique et non comme un enchaînement sonore. Dorénavant, si vous pensez que le monde est sombre, penchez-vous sur l’écoute de « S16 », un bijou orchestral, humain et sentimental.

La note: 19/20 

Les titres à écouter en boucle : toutes si vous souhaitez palper toute l'essence du projet mais "Pale Yellow", "Reactor", "Enemy" et "In Your Likeness" sont nos coups de coeur. 

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