#ITW : Pauline Chagne : “Il faut faire une fête de tout”


Le 15 juillet, c’est à Paris dans les bureaux de l’agence de communication qui gère sa carrière que nous rencontrons Pauline Chagne. Venant tout juste d’enchaîner une après-midi d’interviews, la jeune artiste conserve son sourire et même si nous sommes le dernier rendez-vous de sa journée, elle reste vive et prête à parler sans filtre. Sa musique, son engagement mais également des confidences sur sa vie de femme, l’interprète de “Mélancolie Lolita” est une artiste complète et passionnée qui semble bien décidée à faire entendre sa voix. Avant la sortie de son premier EP, Pauline Chagne est en interview sur The Melting POP et elle y parle de TOUT ! 

Pauline Chagne



Bonjour, Pauline tu es chanteuse, comédienne, harpiste mais j’ai aussi envie de dire activiste. Comment s’est déroulé ce cheminement artistique ? 

Tout a commencé très tôt. Déjà enfant, à la maison, mes parents écoutaient beaucoup de jazz. Moi, je voulais faire de la harpe, c’était ma crise d’ado et je me suis jetée à corps perdu dans la musique classique. C’est un milieu très sévère envers les femmes et il va à l’encontre de ma position féministe mais j’y voulu m’y développer le plus possible tout en le quittant très rapidement car c’est un milieu toxique et pour moi la musique doit rendre heureux. Dans le classique, tu as deux cases, soit tu es une petite fille lisse en col claudine soit tu es marginal, un peu rock-star et à choisir, je préfère être une rock-star (Rires). Par la suite, j’ai fait les Cours Florent, j’ai découvert la scène différemment. J’étais gavé comme une oie par la harpe et je ne l’ai plus touchée pendant 4 ou 5 ans. Grâce à la comédie et à la pièce “Moi aussi je suis Barbara”, j’ai eu envie de faire un océan de choses et c’est comme ça que la chanson est arrivée dans ma vie avec bien évidemment, un retour à la musique. 

Avec ce retour à la musique, tu retrouves aussi la harpe … 

Au départ, c’était hors de question ! Je ne voulais plus y toucher. Puis, j’ai découvert LA harpe. Ma harpe de rockstar. Une harpe électrique qui se porte en bandoulière, grâce à elle, j’ai une certaine liberté, je suis harpiste sans le côté trop classique de la chose. (Rires). Avec cette harpe, je voulais me défaire du côté Princesse de Brocéliande. Je voulais une harpe à la hauteur de mon engagement, libre, féminine, pop et accessible ! 

Et qu'en est-il de ton engagement féministe ? 

Je pense que c’est une expérience de la vie. À mon âge, j’ai déjà énormément vécu mais je n’ai pas encore tout vécu. Tous mes choix découlent des expériences que l’on vit. Personnellement, je n’ai jamais rien prévu mais je ne changerais mon parcours pour rien au monde. J’ai voulu faire de la musique classique, j’ai fait du classique. J’ai voulu me défaire de l’image de la petite fille en col claudine, je me suis défait de cette image. J’ai été heurté dans la rue, j’ai eu des violences sexuelles, des déceptions amoureuses, j’ai rencontré des femmes qui ont élevé mon engagement. La vie s’arrange toujours pour nous montrer autre chose et il faut se servir de ça pour se nourrir et grandir et c’est de là que naît mon engagement. 

Ton premier single s’intitule “Orange Sanguine”. Il parle des menstruations avec un côté pop, déluré et sulfureux. Tu n’as eu peur qu’on te colle une étiquette ? 

Non parce qu’encore une fois, il y a eu ce truc ou la vie m’a guidée sur un autre chemin. J’avais prévu de sortir un truc plus calme intitulé “Bleu Julien” et puis le Coronavirus est arrivé et tout a été chamboulé. Je me suis retrouvée seule, bloquée chez moi et pour couronner le tout, j’ai appris que j’avais un cancer du col de l’utérus. Ce n’est pas grave quand c’est décelé assez tôt et quand c’est pris en charge mais c’est une nouvelle assez fracassante. En tant que femme, c’est de là qu’est arrivé “Orange Sanguine”, les règles pour moi ça a été un traumatisme autant qu'une célébration car je les ai eu très tard et j’avais l’impression de ne pas être une femme à cause de ça. Dans la religion et même dans la vie de tous les jours, les règles sont le symbole de la féminité mais il y a encore aujourd’hui beaucoup de précarisation et de diabolisation autour de ce sujet. Pour cette raison et parce que j’aime le faire comme ça, j’ai eu envie de traiter ce sujet grave de manière assez légère. Pour faire entendre les choses, on peut passer par plusieurs chemins et notamment par l’humour en dansant et en portant une robe en forme de vulve. 



Ton nouveau single s’intitule “Mélancolie Lolita”. Une nouvelle fois, on peut voir une sorte d’engagement derrière ce morceau, tu confirmes ? 

Oui, je pense que je voulais à travers ce morceau briser l’image préconçue de la lolita... Et puis accoler ce terme à la mélancolie, ça donne une version déchue de la lolita. Avec le clip, je voulais aussi un truc à l'américaine, avec l’image d’une vedette d’Hollywood un peu ratée, j’adore jouer avec les contrastes. Pour moi, il faut faire une fête de tout et la tristesse, les émotions négatives, les mauvaises expériences en font partie.

Qu’est-ce qu’être une femme aujourd’hui, dans la musique ?

Ce qui est sûr, c’est qu’être une femme, c’est quelque chose que j’assume et que j’ai envie d’être. Après, je suis complexe et j’écris sur la féminité en ayant le fantasme d’être une artiste qui n’a pas de genre. Je ne veux pas être la tête d’affiche d’un festival de femmes. Pour moi, une femme ne devrait pas être mise en avant ni en retrait parce qu’elle est une femme, c’est ça l’égalité.

Tu as joué dans la pièce “Je te Pardonne (Harvey Weinstein)”. Penses-tu qu’un jour les hommes et les femmes pourront faire la paix et réellement vivre en harmonie, à être égaux ?

J’aimerais bien et il faudrait que ça bouge vraiment mais comme les choses n’avancent pas assez vite et que les propos ne sont pas toujours suivis d’actes, malheureusement, je ne pense pas. En attendant, il faut continuer d’avancer en laissant les personnes qui nous sont néfastes sur le bas-côté… C’est ce que je fais.

Ton EP arrive bientôt, il s'intitule “Nuit Pauline”. Tu peux nous en parler ? 

Oui bien sûr. Premièrement, “Orange Sanguine” n’en fera pas partie car c’est une capsule à part. Une œuvre qui mérite de se suffir à elle-même. Par contre, on retrouvera, “Mélancolie Lolita” mais aussi des titres engagés et féministes. Le tout dans un univers plein de groove, POP avec la harpe et des constats, des choses factuelles que j’ai envie de défendre. 

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