#Analyse - Alicia Keys : pourquoi le grand public lui a-t-il tourné le dos ?

Elle est l’une des plus grandes vocalistes de sa génération mais également une compositrice et une musicienne hors-pair. Malgré cela, ses derniers projets n’ont pas réussi à séduire le grand public. Relayée au second rang, alors que sa carrière aurait pu avoir sur le long terme, une envergure similaire à la force de frappe d’Adele, elle sort en cette fin d’année 2021 et en catimini, son huitième album “KEYS”. Conceptuel, le projet se démarque tout en revenant aux fondamentaux mais il est peut-être déjà trop tard… Alors, pourquoi le grand public a-t-il tourné le dos à Alicia Keys ? On tente de répondre à la question sur The Melting POP. 

Alicia Keys - KEYS


Stratégie défaillante 

Un an après son septième album “ALICIA” passé inaperçu malgré le bel accueil réservé au single “Underdog”, Alicia Keys est de retour avec “KEYS” son huitième album. Cependant, inutile de chercher l’opus dans les bacs, l’artiste a pour ce projet (annoncé très tardivement), souhaité privilégier le streaming et le digital. Conséquence de l’échec de ses deux précédents projets (environ 300.000 ventes dans le monde pour “Here” et 350.000 pour “ALICIA” streaming inclus) ou réelle volonté de se moderniser ? La balance penche plutôt du côté de la première hypothèse. De fait, malgré 20 millions d’auditeurs rien que sur Spotify, l’artiste doit surtout son score en streaming à un back-catalogue relativement puissant qui lui permet encore aujourd’hui de gonfler ses résultats globaux. Preuve en est, sur ces deux précédents albums, seul “Underdog” a réussi à passer la barre des 100 millions d’écoutes. Subissant de plein fouet, de véritables revers, Alicia Keys sort donc son nouvel album sans grande promotion et pour comprendre cette baisse de régime, il faut remonter le temps. Entrée dans le cœur du public au début des années 2000 grâce à son premier album “Songs In A Minor”, Alicia Keys doit son succès à trois piliers : Sa voix, ses compositions et ses textes. Qui plus est, sa simplicité et son sourire débordant d’humanité ont continué à faire d’elle, l’une des plus grandes artistes POP / R&B du début des années 2000 aux Etats-Unis et à travers le monde. Malgré tout, l’une des plus grosses erreurs d’Alicia et de son équipe a peut-être été de trop souvent jouer sur la dichotomie de son univers. Ainsi, même si elle reste principalement rattachée à la scène soul et R&B, une grande partie du public connaît et aime Alicia Keys pour ses œuvres plus POP, plus mainstream. De fait, outre “Fallin”, l’artiste a surtout vendu et défendu ses projets, ses albums, en sortant des singles locomotives peu représentatifs du reste de son travail. Ainsi, dès son troisième album lorsqu’on écoute “No One”, on sent la volonté de l’artiste de produire un son hybride, adapté aux radios. Réédité avec “Empire State Of Mind” extrait de son quatrième album ou encore avec “Girl On Fire” sur le cinquième, cette stratégie marketing a, sur le long terme, déstabilisé les fans de la chanteuse. D’un côté, une partie du public R&B ne s’est pas retrouvé dans les singles “POP” de la chanteuse. De l’autre, le public POP qui a pu acheter ses albums à un moment donné, n’a peut-être pas retrouvé dans la conception des opus ce pourquoi il était venu au départ. 


Perdant son public à force de réitérer une stratégie risquée, Alicia Keys a aussi, comme toutes les artistes féminines, dû faire face à l’âgisme. Boudée par les radios US qui diffusent de moins en moins les artistes féminines, une fois passé le cap des 30 ans, la chanteuse aurait peut-être dû à un moment donné solidifier son lien avec la scène soul-urbaine. En effet, plutôt que de s’aventurer sur des terrains POP et vers un public jeune (“In Common”), c’est sur des sons plus adultes et plus en adéquation avec son audience qu’elle aurait dû se positionner. La majeure partie du temps, ses albums sont d’ailleurs conçus pour ce public. Hélas, à trop vouloir chercher le succès, Alicia Keys n’a pas réussi à se renouveler. Aujourd’hui, lorsqu’on écoute son dernier album, on se rend compte de son talent. Véritable album concept qui joue dans sa conception avec la dichotomie qu’elle a exploitée durant une grande partie de sa carrière, “KEYS” est un album en deux parties. D’un côté, des pistes acoustiques et des piano-voix très organiques. De l’autre, les mêmes morceaux, plus produits, plus POP, plus urbains, plus grand public. Très bien pensé, le disque souffre peut-être d’un manque de raisonnement, car le premier extrait (“LALA”) est l’un des seuls à ne pas disposer de deux versions. De plus, le manque de mise en lumière et la stratégie marketing quasi-inexistante laissent penser qu’Alicia Keys pourrait arriver vers la fin de son contrat avec RCA et cet album est peut-être, malgré ses qualités, une simple formalité, un dernier projet avec sa maison de disques historique avant de voler vers de nouvelles aventures… 

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