#Édito 5 : Nope ! Personne n’a le monopole du bon goût en matière de musique
En 2019, peut-on encore faire la distinction entre la bonne et la mauvaise musique ? Existe-il encore à l’heure du streaming, une distinction entre la musique des élites et la musique du peuple ? Art extensible à l’infini, la musique n’est-elle pas destinée comme la peinture ou le cinéma, à trouver une forme de beauté sous n’importe laquelle de ses formes ? Après tout, l’art brut et certains des pires navets du 7e art ont bien fini par jouir d’une certaine reconnaissance de la part des critiques. Et puis d’abord, les critiques ont-ils encore leur mot à dire ? Lorsqu’on réfléchit à ses questions, difficile de trouver des réponses concrètes… Peut-être bien qu’il n’en existe pas.
Trois artistes, trois styles, trois époques |
Le phénomène Nakamura
Il y a quelques jours, alors que je me baladais dans les rayons de la FNAC à Paris, je décide de craquer pour le vinyle du second album d’Aya Nakamura. Infecté par l’efficacité de sa musique et après plusieurs mois de lutte à passer des journées à répéter sans cesse le refrain du tube “Djadja” (un titre devenu un tube en Europe sur lequel Rihanna et Neymar ont dansé), plus aucune hésitation, j’ai besoin de cet album. La veille, la Pride s’est enflammée sur le titre “Pookie”, et ce même jour, après que plusieurs morceaux soient passés en soirée, deux de mes amis commencent à débattre sur le succès de l’artiste en question. D’un côté, une personne qui ne comprend pas l'engouement autour de l’artiste qui comptabilise plus de 4 millions d’auditeurs mensuels sur Spotify, de l’autre un fan séduit par le naturel et le côté sans prétention de la chanteuse. Au centre, j’écoute les arguments de chacun. Entre celui qui ne comprend rien aux paroles et celui qui voit en Aya le porte-parole d’une génération sans prise de tête, les avis se valent et tous deux se défendent à merveille. Interrogé sur la question, j’essaye de trancher et j’en viens à la conclusion qu’il n’y a en effet pas de meilleure réponse que celle du public. En effet, pour réussir à traverser les frontières comme elle l’a fait avec le tube “Djadja”. Pour réussir à soulever rien qu’un en une microseconde une foule en délire sans être présente et par la seule force de sa musique, il faut être douée. Bien sûr, les détracteurs viendront dire que le marketing est passé par là, mais on trouvera toujours des contre-arguments à toutes les situations …
La musique : art sensoriel - art subjectif
Bonne musique ou mauvaise musique. Du classique au jazz en passant par la POP et l’électro, existe-il une classification qui permettrait de nous aider à faire la part des choses ? Pour les puristes ou encore pour les musicologues, le classique et toutes les oeuvres produites avec des instruments réels et non avec des machines ont le monopole du crédit artistique. Derrière l’éloge que l’ont fait à la musique dite classique, se trouve dans de nombreux esprits, le mépris d’une musique dite populaire. Cachés derrière ce terme four-tout, on retrouve bien entendu les artistes POP qui passent chaque jour des dizaines de fois à la radio mais également toutes les musiques dites du peuple à l’instar de la musique gitane qui avant de trouver ses lettres de noblesse il y a quelques années, a longtemps été considérée comme un sous-genre, un sous art. Ainsi, si l’on retrace l’histoire de la musique dans ses grandes lignes, on peut remarquer que le rock, le blues et même la folk ont connu des heures durant lesquelles le snobisme des professionnels et des intellectuels de la musique était réel. Avant d’être des légendes, Elvis Presley, Les Beatles et même Michael Jackson étaient tous considérés comme des phénomènes de foire... les instruments d’un marketing bien huilé. Alors certes, il est normal de penser et même d’affirmer qu’une symphonie de Beethoven a plus de crédit qu’un titre de 3 minutes pensé pour faire bouger les foules, mais lorsqu'on parle de musique, il est important d’avoir une vision globale du sujet. Ainsi, d’un titre POP fait pour le streaming pour aller jusqu’à un concerto baroque, la musique reste un art subjectif, un art qui attise et réveille les sens de chacun à des niveaux et de manières différentes. Cela ne pourra pas empêcher un individu X de trouver du plaisir à danser sur Rihanna en festival ou à aimer le fait de se poser calmement un soir d’hiver autour d’un vinyle de jazz savamment orchestré. Le problème de la musique, (et j’ai moi-même longtemps porté des oeillères en refusant de m'intéresser à certains genres et certains classiques) c’est le manque de globalité qu’en font les professionnels, les critiques. Chacun pensant détenir le bon goût, tout le monde se permet de juger avant même d’avoir pris le temps de cerner la question. Bien sûr, la critique musicale doit continuer d’exister car elle permet de mettre en avant des projets et d’étendre le bouche-à-oreille à une heure où le monde de la musique et certains artistes en ont incroyablement besoin. Cependant, elle ne doit pas imposer le monopole du bon goût et dicter son avis à qui veut l’entendre. De la musique pour chaque instant, de la musique pour chaque moment d’une vie, on peut écouter Aya Nakamura, idolâtrer Édith Piaf ou encore Lady Gaga et les Rolling Stones, cela n’en fera pas moins de nous un individu complet et ô-combien fascinant. La curiosité est le fer de lance de l’art et la musique ne déroge pas à la règle. CQFD !
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