#Industrie : pourquoi les chansons sont-elles de plus en plus courtes ?


Pendant longtemps, la durée standard d’une chanson était de 3 minutes 30. Historiquement, cette normalisation est due au fait que les vinyles (78 tours) ne pouvaient pas contenir des titres de plus de 4 minutes. Ensuite, lorsque les radios sont devenues un moyen de diffusion inévitable pour la musique populaire, la norme s’est ancrée dans les mœurs. De fait, de nombreux diffuseurs radios considéraient à l’époque que l’attention des auditeurs ne pouvait pas aller au-delà des 3 minutes. Pendant des décennies, la tradition s’est donc perpétuée et le format classique d’une chanson a longtemps été le suivant (Intro → Couplet → Refrain → Couplet → Refrain → Pont → Refrain → Outro). Au milieu des années 80 et jusqu’au début des années 2010, l’essor des clips et l’avènement des chaînes musicales telles que MTV et MCM ou encore des réseaux comme YouTube ont permis aux artistes de proposer des titres plus longs. Avec Michael Jackson, Madonna, Mylène Farmer en France ou plus récemment Lady Gaga, l’idée était de proposer des courts métrages qui permettraient à la chanson de raconter une histoire plus longue, plus profonde. Néanmoins, le radio edit n’était jamais bien loin, car les stations refusaient souvent de diffuser des titres trop longs. Aujourd’hui, les réseaux sociaux sont entrés dans la danse et la durée moyenne des titres diminue de plus en plus...

Chansons courtes - musique

Plus un titre est court, plus il sera re-streamé 

Cela ne vous aura pas échappé, depuis quelques années, la durée moyenne des chansons a largement diminué. Désormais situées entre 2 minutes 30 et 3 minutes, les chansons sont de plus en plus courtes. Lorsqu’on interroge les spécialistes sur cette évolution, la plupart d’entre eux parlent de l’importance de TikTok, un réseau qui permet aux courts extraits musicaux de devenir viraux. Bien que le réseau social ne soit pas en reste et qu’il favorise évidemment la multiplication des titres courts, il n’est pas le seul responsable du raccourcissement des chansons. En effet, depuis 2018, des médias tels que Billboard, The Atlantic et The Washington Post publient régulièrement des articles sur le sujet. Si les réseaux sociaux sont bel et bien mentionnés, ce serait surtout le streaming et les plateformes qui auraient dynamisé cette mutation. En 2019, par exemple, Lil Nas X cartonnait avec “Old Town Road” un titre qui ne durait que moins de 2 minutes dans sa version standard. Stratégiquement, le fait de raccourcir un titre permettrait d’augmenter son replay-value (potentiel de réécoute) et donc d’augmenter considérablement le nombre d’écoutes. Lorsqu’on sait que les plateformes de streaming divisent la manne financière en fonction du nombre d’écoutes globale de tous les titres cumulés, il est très intéressant pour les labels et les artistes d’avoir des titres qui vont sur performer, car le pourcentage qui leur sera reversé sera beaucoup plus conséquent.

Une nouvelle norme qui divise mais qui ne date pas d'hier

Vous l’avez donc compris, TikTok n’est pas le premier responsable de la diminution des titres en musique. Cependant, assez paradoxalement et si c’est le streaming qui est le premier à être mis en cause, on remarque que de nombreux artistes très streamés (Taylor Swift, Adèle, Beyoncé, …) refusent de plier à ce formatage. Lors de la sortie de l’album “30” en 2021, Adele avait par exemple déclaré que réduire la durée de ses titres pour le marché du streaming reviendrait pour elle à brimer son art. On remarque dans ce propos, un refus des nouvelles conventions, mais aussi, un intérêt pour le public qui semble sur les réseaux sociaux être contre cette nouvelle standardisation de la musique. À titre d’exemple, le dernier titre de Loreen (“Warning Signs”) paru le 11 octobre dernier a reçu de mauvais retours sur les réseaux sociaux. Les fans et le public accusant la chanteuse de sans cesse réduire la durée de ses titres (le morceau dure 2’12'') pour se plier aux règles de l’industrie. Loin d’en être à sa première influence, le streaming continue donc de modifier l’industrie de la musique. Cependant, le milieu n’a pas attendu le streaming et les réseaux sociaux pour expérimenter les titres courts. Dans les années 60, les Beatles étaient parmi les premiers à cartonner partout dans le monde avec des titres oscillant entre 2’10’’ et 2’40’’. Décriés et considérés comme des produits à leur époque, ils sont aujourd’hui des légendes. La preuve que le temps peut aider à changer la vision des choses.

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