#ITW - Siska : "La liberté me donne beaucoup de force car elle nourrit ma différence"

Le 24 septembre dernier, SISKA a sorti son nouvel album “Mauvaise Graine”. Opus organique et sensuel, il marque un tournant dans la carrière d’une femme et d’une artiste qui se nourrit de l’incertitude et de la beauté de chaque jour créer et avancer. Enfant de la Cité Phocéenne, Siska a connu mille vies artistiques mais son art ne semble pas prendre une ride, mieux encore, il se dénude un peu plus chaque jour pour mieux s’épanouir. Chantant pour la première fois en français, elle pose ici dans un écrin de sentiments, la marque de sa liberté. Fière d’être une artiste indépendante, elle se considère comme une “mauvaise graine” et même si elle a pensé tout arrêter, sa passion et sa détermination ont été plus fortes. Puissante, belle et impérissable, la “Mauvaise Graine” de Siska est à découvrir en interview sur The Melting POP. L’occasion de mieux cerner un projet qui mérite toute votre attention.

Siska - Mauvaise Graine


Bonjour Siska, ton nouvel album "Mauvaise Graine" est sorti le 24 septembre. Comment te sens-tu ? 

Je suis contente, excitée de sortir ce nouvel album et de pouvoir partager ma musique ! Et en même temps, oui, il y a du stress parce qu’on fait ça en mode « total indé » ce qui permet plus de liberté artistique mais ça demande énormément d' investissement !

Que raconte ce nouvel opus ? Pourquoi "Mauvaise Graine" ? 

C’est une ode aux mauvaises graines et j’en suis une… (Rires) ! Ces âmes qui sont souvent en rébellion, pas d’accord ou en colère, et qui ne s'en cachent pas ! Plus intimement, j'ai retrouvé cette mauvaise graine lors d'un voyage intérieur que j’ai eu le temps de faire pendant le premier confinement. Je pensais l'avoir laissée sur le chemin il y a longtemps, sur les bancs de mon collège dans les quartiers nord de Marseille, ou ailleurs… Je pensais avoir travaillé sur moi pour devenir une meilleure personne tout au long de ma vie mais rien à faire elle est encore là, intacte et qui me nargue. Je lui ai donc dédié un album ! 

Sur ce disque, tu chantes en français pour la première fois. Pour quelles raisons ? 

Ça peut paraître bizarre mais alors que j'ai chanté en hébreu, en arabe, en espagnol, en anglais, je ne me sentais pas légitime en français. C’est vraiment la rencontre avec les textes de Magalie Fournier qui ont fait écho en moi, et qui a permis le déclic. Les mélodies sont arrivées directement, puis la pulse et les arrangements. En fait, j’ai eu très vite de bonnes sensations pour mettre en valeur cette langue des poètes.

"Ta Peau" - siska from Siska on Vimeo.


On ressent sur ton projet, une véritable envie de se confier, de se mettre à nu, dirais-tu qu'il s'agit de ton album le plus personnel ? 
Le fait d'avoir créé (visionné) ces chansons pendant le confinement sans véritable deadline m’a permis d’aller plus en profondeur et en toute liberté; sans même chercher à savoir si cet album verrait le jour. J'ai puisé en moi, sans complexe et affranchie de ma pudeur habituelle. En fait, cet album m’a fait beaucoup de bien !

En parlant de mise à nu, le clip du single "Ta Peau" jouait avec des codes éroticos-soft, (il a depuis été censuré) c'est un parallèle pour lier le texte et le visuel ? 

C'est Jade de Brito qui a réalisé ce clip, je lui ai donné carte blanche et elle a su traduire la musique en images. J’avoue, je suis totalement bluffée ! Je ne sais pas si c’est parce qu'elle est mannequin, mais elle a un rapport au corps qui est très léger et naturel. Elle a su filmer de vrais couples remplis de désir sans qu’on sente de jugement. Elle porte un regard bienveillant et détaché sur ces corps nus entrelacés et sur l’acte d'amour. En tout cas, c’est ce que je ressens et je n’ai pas compris pourquoi ce clip a été censuré sur YouTube ! 

Depuis tes débuts, ta carrière et ton parcours ont vraiment évolué. Peux-tu revenir sur les grandes étapes de ton parcours artistique et nous expliquer comment tu es devenue l'artiste que tu es aujourd'hui ? 

J’ai grandi dans une famille où on chantait et dansait naturellement, sans rien de professionnel. Puis pendant mes études, j’ai vécu en communauté avec des musiciens, j’aimais bien le contraste entre ma vie diurne et nocturne. Après mon mémoire, j’ai fait un choix de vie bien plus qu’un choix de métier. C’est là que j’ai rencontré Soupa Ju avec qui j’ai créé le Watcha Clan et avec lequel j'ai beaucoup tourné pendant 15 ans. Ce groupe m’a énormément apporté et c’est vraiment une expérience inédite que de faire le tour du monde en groupe avec sa musique. Il y avait vraiment beaucoup de bienveillance au sein du Clan, c’était un peu la famille sur la route. Et puis, j’ai eu un enfant et j’ai compris que si je continuais à tourner ainsi, j’allais rater quelque chose ! J’ai même pensé arrêter la musique mais tout doucement, j’ai recommencé à composer, des choses plus intimes, plus épurées et c’est devenu Siska toujours produit par Clément Queysanne qui était le beatmaker de Watcha Clan. En fait, l'aventure continue et on n'arrive pas à s’arrêter ! Il y a une sorte d’inspiration mutuelle et réciproque qui nourrit notre musique et qui crée beaucoup d’émulation entre nous.

Lorsqu'on écoute ta musique, lorsqu'on te regarde, il y a comme une attraction. On ressent quelque chose de mystique, d'ésotérique. Te sens-tu guidée par quelque chose ou quelqu'un lorsque tu es dans la création ? 

Jah!!!! j’ai été en quelque sorte sauvée par le mouvement rastafari dans les années 90, et c’est ce qui m'a aidé à canaliser l’énergie de la mauvaise graine. J’ai trouvé au sein de ce mouvement, la spiritualité qui me manquait et depuis que je me suis branchée sur elle, elle n’a fait que grandir en moi, elle me nourrit et me fait beaucoup de bien. D’autre part, mes origines sont très multiples du côté de mon père c’est l’Algérie (berbère), du côté de ma mère c’est l’Europe de l'Est (ashkénaze), c'est bien chargé culturellement et je pense que je porte ça en moi, inconsciemment… Aujourd’hui, j’habite au bord de la mer, l'horizon est ouvert, et derrière chez moi, ce sont les calanques. Mère nature me nourrit quotidiennement d’une énergie positive et je l’en remercie. J’ai bien conscience de la chance que j’ai car j’ai grandi dans le béton des quartiers nord de Marseille. Et je sais que la vie est une expérience unique. Je pense que tout ça transpire effectivement dans ma création…

Dans l'industrie musicale, c'est dur d'être une femme. C'est également dur d'avoir un univers très marqué et très pointu comme le tien. Dirais-tu que c'est une force ou une difficulté à tes yeux de jongler avec tout ça ? 

Les deux. J’ai fait le choix depuis le début de mon chemin musical de faire les choses autrement, c’est ça qui m’a attiré dans la musique et j'ai trouvé dans le milieu alternatif une manière de tracer ma route en empruntant des chemins de traverse. Je savais que si je prenais l’autoroute, j’allais être malheureuse car ça ne me ressemble pas… Cette liberté me donne beaucoup de force car elle me permet de nourrir mon unicité et ma différence mais d'un autre côté, ça demande beaucoup d’énergie, d’investissement et aussi de réussir à s'entourer. Il ne faut pas chercher la reconnaissance, surtout des gros médias ou labels qui n’ont pas le temps d’aller fouiner dans les recoins même s’ils prétendent le faire. Mais pour l’instant, on tient le coup et surtout, on kiffe toujours de faire ce qu’on aime ! 

Si tu devais décrire ta musique, ton nouvel album. Comment en parlerais-tu, que dirais-tu à un public qui n'est peut-être pas le sien pour le convaincre de se pencher sur ton projet ? 

C'est la question la plus difficile. Trip-hop 3.0, une production actuelle, mais avec des sons pointus, originaux et personnels. Des basses qui embellissent mais qui laissent respirer la musique et résonner le texte. La voix, c’est difficile d’en parler puisque c’est moi qui chante. Je vous laisse donc le champ libre… En tout cas, c'est une musique sincère et chargée de cultures très diverses avec des textes, qu'ils soient en français ou en anglais, qui sont le reflet d’un voyage introspectif très personnel mais qui, finalement, peuvent parler à beaucoup de personnes… En conclusion, c’est avec une combinaison de trip-hop aux arrangements électroniques et de futur soul que je compte vous faire frissonner comme personne !  

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