#ITW - Imelda Gabs : “Dans ce milieu, encore plus quand tu es une femme, tu as une date de péremption”


La musique a toujours été pour Imelda Gabs, une évidence. Fille d’un grand pianiste, elle s’est naturellement dirigée vers le jazz dès l’adolescence. Véritable prodige, elle a mis le genre à ses pieds mais ce qu’elle souhaitait réellement, c’était sortir des sentiers battus. Certes, le monde du jazz lui avait ouvert les bras, son chemin semblait presque tout tracé mais ses envies étaient ailleurs. Pour s’en rendre compte, c’est la perte de son père qui a agit comme un déclic. Prise de risque indéniable, le revirement d’Imelda Gabs s’avère néanmoins réussi puisqu’avec seulement deux singles à son actif, elle réussit déjà à tisser autour d’elle un univers digne des plus grands. Pour mieux comprendre son parcours et ses envies, nous avons décidé de l’interroger. Rencontre avec une artiste qui souhaite prendre son temps tout en développant un univers aussi prometteur qu’ambitieux. 

Imelda Gabs


Salut Imelda ! Tu es la fille d’un grand pianiste, Doctor Gabs. J’ai lu qu’il avait été un véritable modèle pour toi. Est-ce vraiment par lui que la musique s’est éveillée en toi ? 

Je ne pense pas que mon parcours aurait commencé de la même manière s’il n’avait pas été mon père. Cependant, il ne m’a jamais forcé à faire quoi que ce soit. J’ai toujours été très admirative de son talent et c’est en l’observant que je me suis rendu compte que je voulais faire de la musique. J’ai d’abord commencé par du jazz classique, un peu comme lui et puis j’ai eu envie de produire, de sortir des sentiers battus… Je pense que c’est aussi le fait de le perdre qui m’a poussé à aller ailleurs, son départ a été un véritable électrochoc. 

Il paraît d’ailleurs, que tu as eu du mal à t’émanciper du jazz et de son milieu … 

Au départ, c’est vrai que c’était assez difficile. C’était surtout une grande décision et beaucoup de questionnements. Je pense aussi que ce tournant artistique m’a coupé de toute une partie du public qui me suivait depuis mes débuts et qui avait placé des espoirs en moi. Cependant, je suis très contente de l’avoir fait car je me découvre chaque jour. Aujourd’hui, je n’ai plus aucune contrainte. Je peux faire de la POP, du rock et rien ne m'empêchera de faire du jazz, parfois. 

Outre ton parcours dans le jazz, tu es multi-instrumentiste, tu écris, tu composes, tu as fait partie d’un groupe. Ton expérience est déjà immense. Tu penses que c’est ce tout, qui a façonné les choix que tu fais aujourd’hui ? 

Tout à fait ! D’ailleurs, j’écris beaucoup à ce sujet. Pour avancer, il faut accepter toutes les facettes de son passé. C’est un travail difficile que j’ai moi-même mis du temps à faire mais c’est, je pense, le seul moyen de savoir où l’on va. 

Tu as dit dans une interview : “Un artiste ne doit pas grandir trop vite”. Que voulais-tu dire par là ? 

Aujourd’hui, il faut être artiste de plus en plus tôt pour pouvoir faire plein de choses. Cependant, je ne pense pas qu’on ait déjà à 16 ans ou plus tôt, toutes les perceptions. J’ai moi-même failli me perdre car au final, on ne fait pas la musique que l’on veut faire mais celle que les autres veulent. Si j’avais continué avec ce jazz qui me collait à la peau, je me serais probablement dirigée vers le mauvais chemin et je pense qu’à un moment, le public aurait fini par s’en rendre compte. Dans ce milieu, encore plus quand tu es une femme, tu as une date de péremption aux yeux de certains … Je ne suis pas d’accord avec ça pour moi, tout est une question de bon moment, et je pense qu’un super projet peut arriver dans une carrière à 50 ans, il n’y a pas de règle. 

L’âgisme est justement un des gros fléaux de la pop-music, encore plus à l'international. Tu y as déjà fait face ? 

Oui, une fois que tu as passé la vingtaine, on te regarde différemment. On ne juge plus ton projet de la même manière. Quelque part, c’est logique car quand tu es plus âgé, tu as plus d’expérience donc on en attend plus de toi. Après, je pense qu’il faut faire ce que l’on veut faire car la musique n’est pas une question d’âge. (Rires) !

Tu as fait la première partie de Lianne La Havas en 2017. Quels souvenirs en gardes-tu ? 

C’est un super souvenir ! J’ai appris la nouvelle deux jours avant donc j’ai à peine eu le temps de réaliser ce qui m’arrivait. (Rires). Je pense que le plus stressant dans cette expérience a été l’après car j’avais tout à construire aux yeux de ceux qui m’avaient découvert ce jour-là. 

Ton premier single est sorti en 2020, trois ans après. Que représente ce titre “Fallen Angel” ? 

Ce titre est le début d’un nouveau chapitre. Il parle du fait de ne pas se sentir à sa place. L’ange déchu est ici une représentation de la différence, on le rejette car il n’est pas comme les autres, il est blessé. Cependant, il finit par se relever ! 


Tu fais tout en indé et pourtant, ton projet est très solide. Quel est ton secret ? 

Ce n’est pas facile mais il faut travailler pour avoir ce que l’on veut. Je déteste ça, mais l’industrie est très compétitive. Du coup, j’essaie de prendre mon temps pour faire les choses, je porte plusieurs casquettes en faisant tout mon possible pour que la qualité soit au rendez-vous.

Ton nouveau single s’intitule “Alter-ego”. Pourquoi ce morceau et qui est l’alter-ego en question ? 

J’ai écrit “Alter-ego” il y a un petit temps déjà, c’est l’un de mes titres favoris. Je le joue souvent sur scène et j’ai remarqué au fur et à mesure que le public était très réceptif. Par conséquent, j’ai voulu le proposer en single pour faire découvrir une autre facette de mon univers. “L’alter-ego”, c’est le combat intérieur entre ce que l’on est et le rôle que l’on joue en public…


Tu travailles actuellement sur ton premier EP. Peux-tu nous parler des couleurs qu’il aura ?

Je me dirige vers la POP, c’est une certitude ! Je dirais même de la dark-pop. Ce sont des mots qu’on associe souvent à ma musique et j’aime beaucoup. Ensuite, j’ai envie que ça bouge donc il y aura peu de ballades. Ce premier EP, c’est l’ébauche du scénario que j'aimerais écrire sur l’album que j’aimerais sortir dans quelques années. (Rires) !
Aujourd’hui, quels sont les artistes qui t’inspirent ? 

Il y a quelques années, j’ai eu envie de bousculer mon oreille pour découvrir de nouvelles choses et j’ai tout écouté ! Du rock, du R&B, du métal, je voulais découvrir de nouveaux horizons. Et puis, au fur et à mesure, sans trop le vouloir, je suis allé vers des univers singuliers et indépendants. Par exemple, l’un de mes plus gros coups de cœur a été Sevdaliza. Elle a une manière bien à elle de faire de la musique et ses visuels sont toujours extraordinaires et bien pensés. J’aime aussi beaucoup Grimes, Oklou, Caroline Polachek et bien sûr Erykah Badu du côté de la soul.

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