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#Enquête : les fantômes du streaming. Leslie, Amine, Billy Crawford, Lââm, Eve Angeli. Pourquoi leur musique est-elle indisponible sur les plateformes telles que Spotify, Deezer ou encore Youtube ?
Ils ont marqué votre enfance, votre adolescence, une partie de votre vie. Parfois, vous vous souvenez vaguement d’eux, de leur univers, d’un de leur titre. Certains ont eu des carrières éclairs et d’autres étaient pourtant de réels phénomènes médiatiques. Hélas, et on est sûr que ça vous est déjà arrivé, lorsque vous avez voulu les écouter en streaming, vous n’avez rien trouvé. Rien, ou alors très peu. Par réflexe, vous vous êtes alors rendu sur YouTube, la mine d’or musicale du web… Là-bas, vous n’avez trouvé qu’un clip en mauvaise qualité posté par un fan ou une source non-officielle. Ce que vous cherchez, c’est ce qu’on a décidé d’appeler “les fantômes du streaming”. Oubliés, délaissés par l’industrie, leur carrière est bien souvent derrière eux. Certains ont tourné la page, d’autres la poursuivent sur des chemins plus confidentiels. Quoi qu’il en soit, ils ont marqué une époque, une génération ou tout simplement un moment de votre existence. Aujourd’hui, après des mois de reports et de questionnement, The Melting POP a décidé de mener l’enquête afin de savoir pourquoi ces artistes n’avaient pas droit aux faveurs d’un traitement digital. Plongez avec nous dans une industrie impitoyable où vous retrouverez des visages et des voix que vous avez aimé. Leslie, Amine, Lââm, Eve Angeli, Billy Crawford ou encore ex-gloires des télé-crochets, découvrez la vérité derrière leur absence sur Spotify, Deezer & Cie.
Leslie, Amine, Billy Crawford, Lââm, Eve Angeli : les fantômes du streaming
Le temps, c’est de l’argent
Il y a quelques semaines, les fans d’Alizée ont eu la joie de retrouver sur les plateformes de streaming, le troisième ainsi que le quatrième album de la chanteuse. Absentes des plateformes depuis quelques années, ces deux œuvres sont aujourd’hui disponibles à l’écoute. Pour que cela soit rendu possible, l’interprète de “Moi, Lolita” a bataillé durant de nombreux mois afin de récupérer l'entièreté de ses droits d’exploitation. Hélas, pour d’autres artistes, l’absence demeure et à l’heure où le streaming est devenu la norme dans l’industrie de la musique, ce constat pose question. En effet, pourquoi se priver d’une source de revenus évidente ? Pourquoi laisser le public jouir d’un clip ou d’un audio en mauvaise qualité sur YouTube, alors que la technologie offre aux artistes, aux labels et aux publics, des solutions de qualité qui pourraient mettre tout le monde d’accord ? En enquêtant, en posant des questions, aux artistes, aux personnes qui travaillent au cœur de ce milieu, nous avons découvert que tout n’était pas aussi simple qu’il n’y paraît. Premièrement, et comme c’était le cas pour les deux albums d’Alizée, il arrive très souvent que la question des droits de diffusion et d’exploitation soit la source première d’un conflit interne qui empêche la parution d’un single ou d’un album sur les plateformes de streaming. En effet, à l’époque, les artistes ne signaient pas pour diffuser leur œuvre en digital car cela n’existait pas. Par conséquent, contrairement à la période contemporaine où les morceaux sortent simultanément sur toutes les plateformes et sur tous les supports, les œuvres d’hier n’ont pas automatiquement droit à un traitement en streaming. Le plus souvent, les labels ont fait un travail considérable afin de numériser et de publier leur catalogue en streaming. Après le temps et l’argent perdu avec le téléchargement illégal, il était en effet primordial de stopper l'hémorragie. Les contrats ont donc été renégociés avec les artistes, les ayants droit et les contributeurs afin de permettre la diffusion sur les plateformes de streaming. Hélas, pour les artistes ayant perdu leur contrat, pour ceux qui ont changé de label ou pour ceux qui ont tout simplement quitté l’industrie, c’est loin d’être aussi simple. En effet, à moins que l'œuvre où l’artiste ne représente un réel intérêt financier, les labels ne vont pas prendre le temps de recontacter tout le monde afin de renégocier les contrats. Interrogé, un ancien directeur artistique déclare :
“Numériser la musique, chercher les contrats et faire les démarches pour mettre la musique en streaming ça prend du temps. Aujourd’hui, les maisons de disques n’ont plus d’argent et ce ne sont pas les trois miettes de pain que vont rapporter une centaine d’écoutes en streaming qui vont les motiver à mettre des vieilles prods sur Spotify… À moins qu’un artiste ne décède ou qu’il revienne sur le devant de la scène, il y a peu de chance qu’on s’intéresse à son catalogue si sa carrière est derrière lui."
Liquidation judiciaire, rachat et combat contractuel
Selon cet ancien directeur artistique qui a préféré rester anonyme, la raison principale est donc le ratio temps/argent que va prendre la numérisation et la renégociation d’une œuvre. De ce fait, s'ils tiennent réellement à rendre leur musique disponible en streaming, les artistes doivent soit convaincre leur ancien label de l'intérêt qu’ils représentent. Soit racheter/récupérer leurs droits. C’est ce qu’a fait Alizée, mais c’est également la solution choisie par Willy Denzey. Ayant rencontré un gros succès dans les années 2000, l’artiste de R&B français a longtemps été absent des plateformes de streaming. Après des années de combats pour récupérer ses droits, il a réussi l’an dernier à reprendre son dû et ses premiers albums sont aujourd’hui disponibles. Désormais crédités sur son propre label “Stratosfame Entertainment”, les disques de l’artiste ne sont donc plus reliés à son ancien label EMC Records. Contacté sur ce qui posait problème, l’artiste ne nous a pas répondu. Cependant, lorsqu’on jette un œil aux anciens artistes de EMC, on retrouve d’autres fantômes du streaming et parmi eux, on peut citer Leslie (star R&B des années 2000) ou encore Carine Haddadou (ex-candidate de la Star Academy). Ayant l’une comme l’autre arrêté la musique depuis de nombreuses années, elles n’ont pas eu la même détermination que Willy Denzey. Qui plus est, EMC Records a fermé ses portes 2008 et dans leur catalogue seul un artiste de l’époque a réussi à tirer son épingle du jeu : M.Pokora. N’ayant jamais véritablement quitté la scène médiatique, il est passé d’un label à un autre lorsque EMC a coulé et il a toujours eu les faveurs du public. Néanmoins, parfois, la liquidation judiciaire d’un label peut également venir perturber le bon déroulement des choses. Pour preuve, la chanteuse Lââm a fait une grande partie de sa carrière chez Heben Music. Liquidée en 2013, la société n’a jamais fait entièrement son travail de numérisation des contenus. Aujourd’hui, suite à un problème de contrat, la chanteuse est donc dans l’impossibilité de pouvoir proposer sa musique en streaming.
L’enfer des contrats
Bourrés de méandres, les contrats dans l’industrie de la musique sont souvent de véritables pièges à loups. Signée chez M6 Interaction, Eve Angeli en a par exemple fait les frais. Et si elle a elle-même écrit et produit son plus grand tube (“Avant de Partir”) ainsi que son premier album, ses anciens contrats ne lui permettent pas de diffuser sa propre création en streaming. Céder ses droits en échange d’une campagne promotionnelle ou, pour couvrir les droits d’édition et de distribution, c’est souvent renoncer et ce, pour une durée indéterminée. Pourtant, la signature d’un contrat n’empêche pas de pouvoir récupérer la mainmise sur son travail. L’an dernier, Sarah Riania par exemple réussi à récupérer son titre “Intouchable” ainsi qu'une partie de sa création. Signée chez Polydor, l’artiste n’avait jamais eu l’occasion de sortir son premier album et l’entièreté de sa musique est longtemps restée bloquée dans les tiroirs de son ancien label. Ayant réussi à prouver que sa musique lui appartenait, elle a récupéré ses masters ainsi que les droits de diffusion du titre “Intouchable”, son unique single sorti chez Polydor. Restrictifs, abusifs, les contrats des artistes qui débutent sont souvent à double tranchant. Soit l’artiste en question réussi sur la longueur à prouver sa rentabilité (M.Pokora est un bon exemple), soit il est remercié et dans ce cas, c’est souvent la douche froide. Candidats de télé-crochets ayant signés des contrats sur le coin d’une table sans lire tous les termes, star d’un genre qui s’est éteint comme le R&B (Amine, Billy Crawford, …), star d’un jour ou expérience commerciale qui n’a pas abouti (Priss, Shalya, Shana Tesh, …). L’industrie de la musique est une usine à victimes. L’absence en streaming de certaines stars de l’époque, d’artistes oubliés et d’espoirs déchus n’est que l’énième preuve de cette triste réalité.
Affaire à suivre …
Pour récupérer leurs droits, les artistes qui le souhaitent doivent donc s’armer de patience et se dresser devant la puissance des labels. Si certains ont réussi à l’instar de Willy Denzey ou Sarah Riani, d’autres ont préféré lâcher l’affaire. Contactées, Leslie et Eve Angéli n’ont pas donné suite à notre message. De son côté, sans entrer dans les détails, la chanteuse Lââm n’a fait que confirmer à demi-mot, le problème de contrat qui empêche la diffusion de sa musique. Peut-être qu’un jour, leur musique apparaîtra en streaming lorsqu’on verra en eux, un certain potentiel financier ou quand le temps le permettra. Pour Billy Crawford, futur candidat de la prochaine saison de “Danse avec les Stars”, la lumière est peut-être au bout du tunnel. En effet, en plus d’une belle mise en avant sur TF1, l’artiste a récemment rejoint le label de Willy Denzey, “Stratosfame Entertainment”. Et si celui qui chantait “Le Mur du Son” devenait le sauveur d’une génération d’artistes oubliés ?
Quoi qu’il en soit, les artistes qui ont un jour où la chance de voir leur musique être publiée, ont le droit et toutes les raisons de se battre pour qu’elle soit disponible en streaming. Même s’il est infime, le manque à gagner des vidéos non-officielles sur YouTube doit être pris en compte. Aucun d'eux n'est à l’abri d’un revival viral qui pourrait survenir grâce à la magie du web ou mieux, grâce à TikTok. Pour conclure, l’agent artistique que nous avons interrogé lève le voile sur un autre problème à explorer:
“Ici, on parle des sons qui ont été publiés à l’époque du physique. Il existe aussi une multitude d’artistes et de titres qui ne sont jamais sortis... Certaines sont des pistes inédites d’artistes très connus, d’autres des pistes d’artistes qui n’ont jamais été lancés… Quoi qu’il en soit, si les droits ont été déposés à la Sacem ou si des contrats ont été signés, c’est compliqué de débloquer ça à moins que quelqu’un ne fasse leaker illégalement le contenu.”
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