Nostalgia Act : des tubes éternels et après ? (ft. Sugababes, Ciara, Natasha Bedingfield,..)
Jeune trentenaire, vous vous rappelez certainement encore l’époque où vous maudissiez vos parents qui écoutaient sans cesse des artistes que vous jugiez dépassés et désuets. Aujourd’hui, vous êtes pourtant presque arrivé à l’âge où la nouvelle génération pourrait dire la même chose de vous ! Dans cette boucle qui semble se reproduire génération après génération, les artistes vont et viennent. Si certains ont la chance de se construire une solide fanbase et de traverser les années, les décennies, la plupart ne sont souvent que le phénomène d’un instant, d’une période. Avec un peu de chance, on se rappelle d’eux pour quelques titres qui ont marqué le public. Certains réussissent même avec les réseaux sociaux et les plateformes de streaming à revenir en force après des années de silence. Toutefois, ces mêmes artistes dits chanceux sont aussi condamnés à une chose : ils sont désormais des ressorts nostalgiques. Certes, leurs anciens succès continuent de vivre quelque part et parfois de performer en streaming. Cependant, leurs nouveaux projets n’intéressent généralement pas grand monde. Y a-t-il alors une place dans l’industrie pour ceux que les anglophones appellent les nostalgia act. On se questionne sur The Melting POP.
La nostalgie musicale un filon qui rapporte
Selon le dictionnaire - la nostalgie est : "le regret mélancolique d’une chose révolue". Dans la musique, ce regret est davantage un souvenir qui s’accompagne d’une émotion liée à un moment, à une époque. Conscients de cela, les professionnels de la musique ont longtemps surfé sur la mode des best of, des reprises et si la mouvance est aujourd’hui dépassée par le streaming qui permet à accès à tout pour tous à n’importe quel moment, on la retrouve encore sous une forme différente du côté des samples et des interpolations qui visent à reprendre une mélodie connue pour en faire une nouvelle piste, une nouvelle version. Aussi, il ne faut pas aller bien loin pour se rendre compte que la nostalgie musicale est un filon efficace. En France, la radio Nostalgie qui propose de redécouvrir les tubes des années 70 à 2010 est actuellement la 7ᵉ radio la plus populaire. En Belgique francophone, la version locale de la station radio était en février dernier la radio la plus écoutée du territoire. Conscientes de ce filon, les plateformes de streaming jouent aussi le jeu, et outre les “Rewind” et les “Wrapped” qui proposent de revenir sur les titres les plus écoutés de l’année écoulée, ces mêmes plateformes regorgent de playlists toutes faites qui ravissent toutes les générations. Sur Spotify par exemple, la playlist “All Out 2000’s” qui propose de redécouvrir plus de 150 tubes des années 2000 compte par exemple plus de 12 millions de sauvegardes, un score qui lui permet de se classer dans le TOP 10 des playlists les plus populaires de la plateforme aux côtés de "All Out 80’s" (11 millions d’abonnés) et "All Out 90’s" (8 millions de fans) pour ne citer qu’elles.
Quand le streaming relance des carrières
Se retrouver en tête de ces playlists, comme c’est actuellement le cas pour Mariah Carey, Madonna et Cher, c’est jouir d’une très grosse exposition et donc, amasser facilement plusieurs centaines de milliers de streams quotidiens. Qui plus est, et bien que ces playlists soient fréquemment mises à jour, elles sont élaborées en fonction de la popularité des titres. En ce sens, plus un morceau sera joué dans son intégralité par un grand nombre d’auditeurs, plus il aura droit à une bonne position dans la playlist et plus il sera replacé dans d’autres playlists, ce qui lui permettra de devenir encore plus populaire. Dans un autre registre, quand les réseaux sociaux et la machine médiatique s’emballent autour d’un vieux hit comme ce fut notamment le cas pour “Unwritten” de Natasha Bedingfileld et “Murder on the Dancefloor” de Sophie Ellis-Bextor l’an dernier, ledit titre peut aussi intégrer des playlists modernes et encore plus populaires et là, c’est bingo pour les artistes qui voient leur taux de streams quotidiens exploser à travers le globe. À titre d’exemple, “Unwritten” est grimpé l’an dernier jusqu’en 16ᵉ position du classement Global Spotify, tandis que “Murder on the Dancefloor” a quant à lui, réussi à atteindre la 13ᵉ place et ce, 24 ans après sa sortie. Grâce à ces scores pharamineux, Natasha Bedingfield est repartie en tournée à travers le monde durant toute l’année 2024 et Sophie Ellis-Bextor a de son côté, multiplié les plateaux pour chanter son célèbre tube. Dans la foulée, elle a d'ailleurs annoncé son grand retour avec un album prévu pour l’été 2025 chez Universal mais les singles censés porter ce comeback (“Freedom of the Night”, “Relentless Love”) n’ont que très peu profité de l’exposition “Murder On The Dancefloor”...
La nostalgie oui, la nouveauté non...
Des exemples comme celui de Sophie Ellis-Bextor, on peut en trouver des tonnes. Ainsi, on pourrait parler de Jennifer Lopez, Christina Aguilera, Katy Perry qui remplissent actuellement des stades à travers le monde alors que leurs derniers projets n’ont pas marché. Pourquoi, alors même que ces artistes soulèvent des foules, refuse-t-on de streamer, de supporter les nouveautés qu’ils proposent ? Est-ce parce que la qualité de leur musique a baissé, parce qu’ils ne pourront jamais faire aussi bien que ce qu’ils ont fait par le passé, parce qu’ils n’ont plus carte dans les médias et à la radio ? Peut-être, certainement… mais cela n’explique pas tout. Parfois, la qualité est là, les médias sont là, le public semble là, mais ça ne décolle pas. À titre d’exemple, « Jungle” le single qui devait marquer le grand retour des Sugababes d’origines n’a pas réussi à faire d'étincelles en Angleterre, alors même que les filles sont partout et que la tournée européenne cartonne. On pourrait même, ici, parler de toutes les tournées nostalgiques qui pullulent en France. À chaque fois, la présence des artistes que l’on n’avait pas vu depuis des années fait le buzz sur les réseaux sociaux et le public se presse pour dénicher des places. “Tour 80”, “Stars 90”, “I Gotta A Feeling”, “La Kermesse Festival” : ces événements passionnent et cartonnent. Cependant, qui sera là pour acheter et streamer les nouveaux albums de Nadiya, Jalane, Willy Denzey & co lorsqu’ils se décideront à revenir, sans doute poussés par l’envie de se reconnecter avec le public qui les acclame tous les soirs ?
Quelle place pour la nouveauté dans une carrière réduite au passé ?
Prochainement, Jessie J sera de retour. C’est ce qu’elle vient d’annoncer sur ses réseaux sociaux en teasant que le single “No Secrets” serait dévoilé dans le courant du mois d’avril. L’artiste dont personne n’a oublié les hits “Bang Bang”, “Price Tag” ou encore “Domino” réussira-t-elle à revenir en force après des années de silence, elles-mêmes précédées de plusieurs échecs commerciaux ? Engendrera-t-elle des streams convenables pour une artiste de son calibre qui a, un temps, été numéro 1 ou risque-t-elle comme Gwen Stefani, Nelly Furtado, Ciara de sortir un nouveau titre qui passera inaperçu ? Quelle place pour ces artistes ? Doivent-ils persévérer ? Continuer à proposer de la nouveauté sans être sûr d’un retour sur investissement ? Doivent-ils être réduits à leurs tubes du passé ? Et si tous les artistes choisissaient un jour cette dernière option, qu’adviendrait-il de la pluralité de la scène musicale ? Quid des milliers de fans laissés orphelins qui ne pourraient même plus espérer un comeback ou un inédit !? Cette année, la rappeuse Missy Elliott était l'une des têtes d'affiche de Coachella. Son set était l'un des plus attendus. Pourtant, l'artiste n'a pas sorti d'albums depuis 20 ans et les titres qu'elle a pu proposer de manière sporadique n'ont pas forcément retenu l'attention. Ces derniers n'ont d'ailleurs pas intégré la setlist de son show à Coachella. Y a-t-il donc un réel intérêt derrière la nouveauté ou n'est-elle finalement plus qu'un prétexte pour ne pas être totalement oublié et réduit au passé ?
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