Taylor Swift, Rachel Platten, Leslie : pourquoi les artistes réenregistrent-ils leurs anciens tubes ?
En réenregistrant dès 2021 ses anciens albums dans de nouvelles versions, Taylor Swift a créé un mouvement, celui de permettre aux artistes de récupérer les pleins droits sur leur musique. Avant elle, des artistes tels que Prince, JoJo ou encore Blondie avaient déjà osé s'élever face à la puissance des labels et aujourd’hui, ce sont Rachel Platten ou encore Kesha qui réenregistrent ou prévoient de réenregistrer leurs anciens projets. Pourquoi ? Les artistes sont-ils libres de le faire ? Quid de la France, on en parle aujourd’hui sur The Melting POP.
Se réapproprier son œuvre
Ce vendredi 26 septembre, la chanteuse américaine Rachel Platten a publié un EP sur lequel elle reprend dans des versions réenregistrées quelques-uns de ses plus grands tubes. Inspirée par Taylor Swift qui a republié ses quatre premiers albums avant de récupérer légalement l’entièreté de son catalogue, Rachel Platten souhaitait célébrer le 10ᵉ anniversaire de son premier album, mais aussi posséder l’entièreté des droits sur les chansons qu’elle a elle-même écrites et composées. Derrière ce procédé qui tend de plus en plus à se répandre aux États-Unis, les artistes désirent reprendre le pouvoir sur leur création. De fait, dès lors qu’ils sont signés dans un label, les masters (enregistrements originaux) de leurs chansons appartiennent légalement à la maison de disques qui peut en faire ce qu’elle en veut. Diffusion dans une série, dans une pub, dans un évènement, le titre peut servir de support à un projet que l’artiste n’a pas choisi de défendre. De plus, les revenus que rapportent ses diffusions reviendront en grande partie au label qui est le premier propriétaire de l'œuvre.
Un long combat contre les contrats
Pour lutter contre la suprématie des grands labels, les artistes tentent donc de plus en plus de récupérer leurs œuvres. En ce sens, si certains comme Rihanna ou Dua Lipa (et depuis un an Taylor Swift) ont choisi de racheter leur catalogue, d’autres comme Rachel Platten ou JoJo décident quant à eux d’enregistrer une nouvelle version de la chanson. Grâce à ça, la nouvelle version devient un nouveau master qu’ils peuvent totalement posséder. De ce nouveau master découle alors plus de droits, plus de liberté et plus de revenus financiers liés à leur création. Toutefois, si l’idée de réenregistrer ses titres paraît évidente lorsqu’on connaît les avantages qui en découlent, le chemin pour y parvenir est bien souvent très long. En amont, les labels se protègent et dans les contrats que signent les artistes, plusieurs closes empêchent ces derniers de réenregistrer leurs œuvres avant un délai d’en moyenne 5 à 10 ans. Une fois cette période terminée, l’artiste a donc la possibilité de réenregistrer ses morceaux, mais tous les ayants droit (producteurs, auteurs, …) doivent avoir donné leur accord. En ce sens, les artistes qui écrivent et composent leurs chansons comme Swift et Platten ont donc plus de facilité qu'un simple interprète qui ne possède quasiment aucun droit sur les titres qu’il chante. Aussi, en se lançant dans ce combat, les artistes ne peuvent pas continuer de collaborer avec leur label d’origine et c’est donc une trajectoire indépendante et moins certaine qui s’ouvre à eux.
Quid de la France ?
En France, les artistes sont davantage protégés par des structures telles que la Sacem ou encore l’ADAMI et la SPEDIDAM qui veillent à ce qu’une certaine équité soit respectée dans les contrats. Cependant, le problème existe également et les artistes ne sont pas toujours propriétaires de leur univers. Par exemple, la chanteuse Leslie se bat depuis plusieurs années pour avoir la possibilité de diffuser sur les plateformes de streaming ses anciens morceaux. Pourtant, auteure et coproductrice avec son mari Djamel Kore Fezari, elle ne possède quasiment aucun droit sur la manière de les gérer. En cause, lorsqu’elle a signé ses premiers contrats avec son label dans les années 2000, les plateformes de streaming n’existaient pas encore et aucune mention des droits numériques n’était faite dans les accords et conventions. Le label ayant par la suite fermé ses portes, le combat pour reprendre possession de son catalogue est long et l’artiste doit engager ses propres moyens financiers pour débloquer la situation. Comme elle, des artistes tels que Lââm, Eve Angeli & Co sont également dans la même situation et certaines de leurs œuvres ne sont actuellement pas disponibles en streaming, car il faudrait prendre le temps de recontacter tous les ayants droit pour décoincer la situation. Dans un récent post sur les réseaux sociaux, Leslie a dit que les démarches avançaient et qu’elle s’exprimerait bientôt sur l’affaire… En somme, bien que l'industrie musicale française soit plus juste pour les artistes, elle n'est pas totalement sans vice. Outre le cas de Leslie, on pourrait aussi citer celui de Sarah Riani. Ex-candidate de Nouvelle Star, elle avait été lâchée par son label avant la sortie de son premier album à la fin des années 2000. En 2021, après des années de silence, elle avait décidé de réenregistrer et de republier sur les plateformes de streaming quelques-uns de ses singles. Disponibles sur des chaînes YouTube non-officielles, ses anciens morceaux ne lui rapportaient absolument rien et sa décision de les republier avait pour but de lui permettre de se réapproprier son travail.
Les lignes bougent, mais pas pour tout le monde
En conclusion, si de plus en plus d’artistes décident de réenregistrer leurs travaux, c’est avant tout pour posséder des choses qui leur ont été contractuellement volées. Popularisée par Taylor Swift, la pratique est en train de prendre de l’ampleur, mais elle existe depuis toujours. Dans les années 90, Prince avait après la fin de son contrat avec Warner republier certains de ses morceaux. En 2018, JoJo avait quant à elle réenregistré ses deux premiers albums sur lesquels elle ne touchait quasiment aucune royalties. Prochainement, c’est Kesha qui devrait, après des années de combat contre son ancien producteur, republier ses deux premiers opus. À l’inverse, pendant que certains se battent pour récupérer leurs droits, d’autres tels que Katy Perry ou Shakira décident de vendre leur catalogue pour des centaines de millions de dollars, mais c’est un autre sujet…
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